La playlist du Confinement #78 – Sovietwave : La Russie des doomers

Après une première pige sur la scène brésilienne des années 70s, Les Fonds de Tiroir font leur retour sur Alternative Lads. Cette fois avec une playlist consacrée à la Sovietwave, une version post-sovietique de la synth-pop dont André nous parle ici avec la même passion que sur les ondes de Radio Campus Paris :

Comme pour toute crise, la période que l’on vit actuellement nous rend nostalgique. Les années 80 représentent en ce sens une sorte de bonbon acidulé. Une sucrerie qui nous rappelle aux bons souvenirs d’une période fantasmée, réconfortante malgré tout, comme la bouillotte de grand-mère un soir froid et pluvieux.

Mais si cette mélancolie des “eighties“ s’accorde le plus souvent à l’occidental (voire à l’américaine), une autre facette de celle-ci est en train de faire son trou. La Sovietwave – littéralement “la vague soviétique“ – inspire de plus en plus au sein de tous les cercles artistiques, que ce soit dans les pays de l’Ex-URSS ou ailleurs, qui voient l’Union Soviétique comme une référence pop injustement méprisée.

Pourquoi un tel succès, notamment sur Youtube ? La Sovietwave n’est pourtant que la réinterprétation moderne et plus sombre de la vague New wave (et plus particulièrement de la synthpop) qui submergea le bloc de l’est il y a plus de 30 ans.

Peut-être est-ce parce que ces titres, grandement influencés par les tubes de l’Ouest, étaient enregistrés avec des instruments et du matos hors d’âge ou de mauvaise qualité. En tout cas, ces pépites mal produites nous plongent instantanément dans un kitsch délicieux, où l’innocence, l’audace et la sincérité maladroite n’étaient pas encore synonymes de naïveté. Où l’envie était forte de construire un monde meilleur ici, alors que d’autres territoires restaient à conquérir par-delà les étoiles.

Or la Russie post-soviétique a dû faire face à un véritable raz-de-marée libéral, qui déchira le tissu social et renforça les inégalités. Depuis, une frange grandissante de la jeunesse russe préfère se lover dans le spleen d’une époque qu’elle n’a pas connue. Ces “doomers“ (terme provenant de “doom“ et qui pourrait se traduire par «condamnés», par opposition aux “boomers“, la génération dorée) déplorent une Russie actuelle sinistrée par le chômage et la corruption, et fantasment l’URSS en paradis où l’alcool, la dépression et la drogue n’existeraient pas.

Comme toute chimère, la réalité du quotidien était sûrement toute autre pour une immense majorité des habitants de l’autre côté du rideau de fer. Cela ne nous empêchera pas d’apprécier ces capsules temporelles synthpop à leur juste valeur et de découvrir ensemble les artistes actuels du bloc de l’Est qui surfent sur cette vague surannée à la sauce soviétique.

Enjoy !

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Tracklist :
1) Forum – Белая ночь (Nuit Blanche, 1985)
2) Alyans – Фальстарт (Faux Départ, 1987)
3) Elektroklub – Ты замуж за него не выходи (Ne l’épousez pas, 1988)
4) Nautilus Pompilius – Превращение (Métamorphose, 1985)
5) Bioconstructor – Телетуризм (Télétourisme, 1987)
6) Molchat Doma – Судно (Navire, 2018)
7) Vollny – Телохранитель (Garde du corps, 2014)
8) ЩЕНКИ – Шрамы (Cicatrice, 2019)
9) Труд – Первый луч (Premier Rayon, 2018)
10) Dmitrievna – Ya (2018)

Jah et Dudz pour André Sghinolfi (Les Fonds de Tiroir)