La Route du Rock – Collection Hiver 2018 : Retour sur 3 jours de concerts

Vous entendez souvent parler de La Route du Rock dans nos pages… Et pour cause, rendez-vous incontournable de notre micro-rédaction, la collection Été nous réserve tous les ans une affiche incroyable (Nils Frahm, Grizzly Bear, Etienne Daho… déjà annoncés pour cette année) dans un cadre aussi idyllique que familier : Saint-Malo, sa plage et la scène du fort Saint-Père.

Plus discrète que son grand frère estival, la Collection Hiver se tient quant à elle depuis 2006 le temps d’un weekend de février dans les salles de Rennes et de Saint-Malo. Pourtant, même si l’on est forcément dans le coin à cette période, la flemme, le froid, la route ont souvent raison de notre motivation. Et ce malgré une programmation dense, parfaitement équilibrée entre subtiles têtes d’affiches, découvertes improbables et confirmations inattendues. Le tout dans l’ambiance sobre et festive si propre au festival malouin ; les bottes et la pluie en moins.

Allez, on vous raconte.


Soir 1 @ Antipode MJC – Rennes

Pour cette première soirée, aucune excuse, le festival investi la scène de l’Antipode pour la venue remarquée de Lee Ranaldo. Le public rennais ne s’y est pas trompé et est nombreux à s’être déplacé malgré le froid polaire qui sévit ce weekend.

Lee Ranaldo @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Elodie Le Gall

Mais avant de retrouver l’artiste New-Yorkais, ses compatriotes de Cotillon sont chargés de réchauffer l’assemblée de leur pop-psychélique. Sorti il y a presque un an, leur second album The Afternoons (Modern Sky USA, 2017), nous avait décidé à venir un peu plus tôt cette nuit-là pour apprécier sur scène les compositions à la fois lumineuses et mélancoliques de Jordan Corso, tête pensante du projet. Mais ce soir le résultat est plus proche du garage – dont ils se revendiquent par ailleurs – que de la pop, et l’on a bien du mal à distinguer les mélodies feutrées de l’album. Le tout sonne même cruellement plat jusqu’à ce que retentisse SFO, seul véritable morceau garage de l’album, sur lequel s’emballent enfin les cordes des guitares en distorsion pour un final qui nous consolera de cette petite contrariété.

Lee Ranaldo @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Elodie Le Gall

D’autant plus que le concert de Lee Ranaldo débute. Dans une épaisse fumée, la silhouette de l’ex-Sonic Youth s’avance et les premiers accords de Moroccan Mountains résonnent avec force. Excellent morceau d’ouverture de l’album Electric Trim (Mute!, 2017), ce dernier se révèle tout aussi captivant en live dans une version progressive et toujours plus contemplative. Et lorsque Lee Ranaldo pose enfin sa voix sur cet assemblage acoustique, alternant paroles chantées et vers déclamés, on comprend que l’on a affaire ici à un grand. Accompagné d’un batteur et d’une guitare-synthé, ses compositions oscillent ainsi entre ballades folk et envolées lyriques, à mi-chemin entre Neil Young et Nick Cave. Mais au fil du concert, les morceaux se muent en expérimentations électro-acoustiques qui, une fois l’engouement retombé, finiront quelque peu par nous perdre. Pas fâché pour autant, Lee Ranaldo nous laisse sur le très réussi Thrown Over the Wall avant de regagner sa loge sous les applaudissements nourris – et mérités – du public.

Vox Low @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé
Vox Low @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé

Changement d’ambiance avec Vox Low, le groupe déploie une musique froide, entre krautrock, techno et cold-wave. Les titres de leur album éponyme sorti chez Born Bad Records (2017) s’enchaînent sans transition, si ce n’est quelques échanges timides avec le public. Le quatuor semble effectivement plus à l’aise derrière ses machines qu’à haranguer la foule. Qu’à cela ne tienne, le potentiel club des compositions de Vox Low (Some Words of Faith entre autres) devrait suffire à transformer tout cela en dancefloor. Mais la réaction chimique tant espérée ne prend pas et le public parsemé depuis la fin du précédent concert répondra à son tour par de timides mouvements de jambes. Something is Wrong, tube absolu réapparu sur l’album après une première sortie sur le label électro Correspondant en 2015, viendra toutefois clôturer la soirée sur une version live électrique et déchainée. Comme quoi tout vient à point qui sait attendre.


Soir 2 @ La Nouvelle Vague – Saint-Malo

Direction la cité corsaire et la salle de la Nouvelle Vague pour cette seconde soirée dont la première étape sera le concert du californien Kelley Sloltz. Plutôt rare sur scène, le quadragénaire a mis longtemps à être reconnu malgré un palmarès impressionnant : dix albums à son actif, des collaborations avec Thee Oh Sees et Echo & the Bunnymen et des premières parties pour The Raconteurs ou encore Jack White. Rien que ça.

Kelley Stoltz @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert
Kelley Stoltz @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert

Sur scène, Kelley Stoltz nous délecte de sa pop barrée accompagné de sa guitare et de son synthé fou. A ses côtés, un guitariste aux faux airs de “The Count” dans Good Morning England, un batteur et une bassiste le soutenant également au chant. La formation dégage ainsi une consistance scénique remarquable, magnifiant les compositions solaires de son leader. Et derrière la diversité de style présent dans ses morceaux, passant du rock-indé au garage et à la pop-électronique (Get Over illustrant parfaitement cette triple-dualité), on retrouve également l’influence des Kinks et celles des Beach Boys. Jouant avec la foule, Kelley Stoltz nous fait également penser à Jarvis Cocker pour son côté showman et décalé, enfilant une veste à paillette pour interpréter l’excellent titre disco Confidence. Indéniablement l’un de nos coups de cœur du weekend.

Ça s’agite à présent dans la salle et à en croire l’enthousiasme qui s’empare soudainement du public, le concert de Girls in Hawaii ne devrait plus tarder à commencer.

Girls in Hawaii @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert
Girls in Hawaii @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert

Pour notre part, on ne fera pas mystère de notre scepticisme avant l’entrée en scène du boys band belge. Pas franchement convaincus par leur dernier album Nocturne (62 TV Records, 2017), on est toutefois curieux de découvrir comment Girls in Hawaii défend sa pop mélanco-mélodique en live. Et il faut bien admettre que la prestation est à la hauteur de l’engouement dont bénéficie le groupe : un set irréprochable, des jeux de lumières audacieux et une véritable aisance scénique. Les morceaux gagnent ainsi en rythme et en profondeur et on se surprend à réentendre l’album d’une oreille plus attentive. On préfèrera toutefois les modestes et intimes Blue Shape et Monkey au mauvais single Walk sur lequel on jurerait entendre Julien Doré…

Concrete Knives @ Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert
Concrete Knives @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert

Découvert il y a 8 ans dans cette même salle qui s’appelait alors l’Omnibus, nous étions ravis de retrouver les caennais de Concrete Knives. Après un premier album Be Your Own King (Bella Union, 2012) très bien reçu par la critique et une tournée dans les plus grands festivals de France, le groupe revient avec un nouvel opus : Our Hearts (Vietnam, 2018). Et c’est le jour de sa sortie que le désormais sextet se présente sur la scène du festival. Sans surprise, on est tout de suite pris par l’énergie incomparable et communicative du groupe, mêlant les tubes du premier opus tel que Brand New Start et les morceaux inédits de son successeur : The Lights ou encore l’excellent Gold Digger. Entre pop anglaise et influences afro-beat, le charisme de Morgane Colas et Nicolas Delahaye et les refrains chantés en chœur, les normands ne nous n’ont pas déçus ! A dans huit ans ? On espère bien avant.

Park Hotel @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé
Park Hotel @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé

Dernier groupe à se présenter ce soir sur la scène de la Nouvelle Vague, le jeune duo Park Hotel débarque de Londres avec seulement deux morceaux à son actif. Mais ne vous fiez pas aux apparences : Going West et Gone as a Friend sont deux énormes tubes au groove vertigineux, sur lequel se pose avec classe la voix suave et sensuelle de Rebecca Marcos-Rosa. Derrière, les riffs de guitare de son complice Tim Abbey donne à Park Hotel toute sa puissance sonore, quelque part entre synth-pop et modern-funk. Sur scène, le duo et les quatre musiciens qui l’accompagne nous confirment ce que l’on pressentait à l’écoute de ces morceaux : des compositions magistrales, une énergie folle (incarnée par la charismatique chanteuse) et un besoin irrésistible de se déhancher.
A l’image de Jungle quatre ans plus tôt, le raz-de-marée Park Hotel ne fait que commencer.


Soir 3 @ La Nouvelle Vague – Saint-Malo

Montero @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert
Montero @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert

Drôle de rencontre pour débuter cette dernière soirée avec la découverte Montero. Choisi par Mac DeMarco pour assurer les premières parties de sa tournée de novembre, on comprend à présent pourquoi : son concert est un one-show dans lequel l’intéressé se prend pour Philippe Katerine enchaînant, entre deux relents de whisky, les vannes absurdes et décalées. Et au moment de dédicacer l’une de ses chansons en hommage à Johnny, on se dit qu’heureusement que ses musiciens assurent derrière, tant la prestation de Montero frôle la caricature. Pourtant, à mesure que l’alcool lui monte à la tête, la voix de ce dernier se stabilise et le concert gagne enfin en consistance. Dommage que ce soit déjà la fin car on commençait tout juste à prendre goût à ces pop-song romantiques et psychédéliques dignes d’un certain Mac DeMarco.

Chain & the Gang @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Rod Maurice pour Arte Concert

Chain & the Gang c’est le dernier projet de Ian Svenonius, figure charismatique et discrète du post-punk américain depuis 1990. Entouré de ses musiciennes (guitare-basse-batterie à l’ancienne), il vient défendre ce soir son dernier album, le singulièrement rock’n roll Experimental Music (Radical Elite, 2017). Expérimental oui au regard du registre musical habituel du sextagénaire, qui n’abandonne pas toutefois une écriture particulièrement engagée voire désinvolte. Sur scène, sa prestation l’est tout autant : le leader de Chain & the Gang est incontrôlable, il hurle, trépigne au rythme des distorsions de la guitare et marche littéralement sur la foule pour lui tendre vainement son micro. De quoi donner des sueurs froides à notre service de sécurité préféré ainsi qu’aux spectateurs sur lesquels la bête de scène a jeté son dévolu. Rock’n roll quoi !

Vient enfin le concert que tout le monde attend : celui de l’incontournable Baxter Dury. Habitué du festival pour s’y être déjà produit à trois reprises (2006, 2012 et été 2014), c’est avec le même enthousiasme qu’on retrouve la pop nonchalante de l’artiste anglais, dans un registre plus mélancolique cette fois.

Baxter Dury @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé
Baxter Dury @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé

Son dernier album Prince of Tears (Heavenly, 2017) explore en effet le spectre d’une rupture douloureuse dont le résultat, lumineux et désenchanté, atteste néanmoins de la capacité qu’a Baxter Dury à sublimer son sujet. Même constat en live : les compositions poignantes du dandy britannique font instantanément mouche auprès du public, partagé comme nous entre retrouvailles euphoriques et tristesse mutuellement éprouvée. Magistralement emmené par ses musiciens, Baxter Dury déroule ses morceaux avec classe et dérision jusqu’à ce que résonnent les excellents Mungo et Pleasure  puis l’incroyable tube Miami. Le groupe s’éclipse sous les acclamations hystériques du public qui parviendra finalement à faire revenir l’artiste pour un dernier morceau (Prince of Tears) avant de s’entendre enfin dire : “I love you!”. Mutuellement, ça c’est sûr.

Après Baxter on a eu peur que la salle soit déserte pour The Go! Team, mais à voir le nombre de personne encore présentes, reprenant même en chœur les refrains du groupe, on se dit qu’on est sans doute passé à côté de quelque chose.

The Go! Team @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé
The Go! Team @ La Route du Rock Hiver 2018 | Crédit photo : Titouan Massé

En effet, avec quinze ans d’existence, un cinquième album Semicircle (Memphis Industries, 2018) sorti cette année et des morceaux cumulant les centaines de milliers de vues sur Youtube, la réputation du groupe n’est plus à faire. D’autant plus que la bande de Brighton retourne littéralement la salle. Menée sur scène par Ninja, chanteuse hip-hop survitaminée, la troupe nous entraîne dans une déferlante rock-fanfare qui nous ferait presque oublier la fatigue accumulée durant ces trois jours de festival.


C’est sur cette note que se termine cette 13ème édition du festival et que nous reprenons la route, la RN137 cette fois. Plus intime que l’édition estivale, la collection Hiver n’en demeure pas moins un évènement palpitant, à la programmation riche et ambitieuse et à l’atmosphère unique. Un rendez-vous indispensable à tout fan de la Route du Rock, ne serait-ce que pour patienter jusqu’au 15 Août prochain. Alors à vos agendas, et vivement cet été !

La Gumz & JAH