Les Trans 2018 : 3 soirs d’exploration musicale Live

Tous les premiers week-end de décembre, les Rencontres Trans Musicales de Rennes donnent l’occasion d’applaudir sur scène les grands artistes de demain.

Mais pour espérer croiser le futur Curt Cobain ou les prochains Daft Punk, il faut déjà faire preuve de patience au moment d’éplucher les 90 artistes que compte la programmation 2018. Plusieurs soirées d’exploration musicale et deux playlists thématiques plus tard, nos poulains s’appelaient Al-Qasar, The Black Pumas, Bodega, Arp Frique ou encore Muthoni Drummer Queen.

Alors plutôt qu’attendre et voir si ces noms exploseront demain, on a préféré prendre les devants (et notre pass trois jours) afin de ne rien louper de ces 40èmes Rencontres Trans Musicales. On vous raconte !

Soir 1 – Jeudi 6 Décembre @ Parc Expo

Notre week-end débute dès jeudi soir pour le lancement des Trans au parc Expo. La veille, le coup d’envoi officiel avait été donné à l’Ubu autour d’un plateau électro-post-punk particulièrement excitant. Tant pis pour Nabihah Iqbal et Nova Materia, les deux principaux artistes de la soirée, mais il fallait bien faire des choix avant le marathon qui nous attend.

Car c’est bien de choix qu’il s’agit quand on va aux Trans, tant l’enchaînement des artistes programmés laisse peu de place aux moments d’égarement. Notre planning rigoureusement préparé en poche, on débarque donc sur les coups de dix heure. Premier artiste ciblé : Robert Finley et son blues authentique et captivant.

Robert Finley @ Trans Musicales 2018
Robert Finley @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Elodie Le Gall

Il faut dire que la trajectoire de l’homme qui se présente devant nous a de quoi fasciner. Avant de sortir ses deux premiers albums en 2016 et 2017, Robert Finley connaît en effet une carrière chaotique, débutée à 17 ans au sein de l’orchestre blues de l’US Army et marquée ensuite par une trentaine d’année à jouer modestement lors de mariage et de fêtes dominicales. De son ancienne vie de musicien anonyme, il tire une énergie bouleversante, sincère et positive qu’on retrouve dans chacun de ses morceaux et notamment sur You Make Me Want to Dance. Sur scène, Finley dégage la même ardeur, la même générosité lorsqu’il chante ses love-songs ou l’excellent Get It While You Can. Du feel-good en barre pour un moment spécial avec un personnage hors du commun. On regrettera seulement que l’artiste ne soit accompagné que de deux musiciens, faisant ainsi défaut à la qualité des arrangements studio du bluesman.

Black Pumas @ Trans Musicales 2018
Black Pumas @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Philippe Remond

Autre attraction soul de la soirée mais dans un registre plus psychédélique et percutant, les Black Pumas enchaînent dans le même hall. Avec pour seule sortie le magnifique Black Moon Rising (Colemine Record, 2018), le groupe et en particulier son chanteur ont pour réputation d’être de vrais bêtes de scène. Lunettes teintées et veste de costard rouge pétant au corps, Eric Burton déploie ainsi sa voix aux multiples nuances sur des morceaux à la fois puissants et mélancoliques. Portant haut et fort l’héritage afro-soul des US, Black Pumas fait forte impression et devrait encore faire parler de lui en 2019 avec la sortie d’un très attendu premier album.

Entre temps, on a constaté le virage électro-pour-kids de Disiz La Peste, rien à voir avec ce qui nous avait poussé l’an dernier à aller le voir pour son album Pacifique. On a également dansé sur la techno minimale du sud-africain DJ Lag, boudé le concert de Pongo ou encore celui de The YD avant de battre définitivement en retraite pour la nuit.

Soir 2 – Vendredi 7 Décembre @ Parc Expo

Le lendemain, on oublie la fatigue de notre journée de travail et après un court apéro, on file pour le show de Bruno Belissimo.

Bruno Belissimo @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Marion Bornaz
Bruno Belissimo @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Marion Bornaz

Bon, vous vous en doutez, derrière ce nom se cache un Italien, enfin même un Italo-canadien ! Lancé en solo en 2014, équipé d’une basse et de synthés, son projet est de moderniser l’italo-disco. Avec Ghetto Falsetto (La Tempesta International, 2018) son dernier album en date, Bruno Belissimo propose dix titres mêlant disco, funk, house et synth-wave.

Ayant adoré ce dernier opus, on se dirige vers le Hall 4 et sa fameuse Greenroom réagencée pour l’occasion. Et c’est avec un certain étonnement que l’on arrive devant une scène à part entière, gardant toutefois l’esprit club qui en fait un lieu unique du festival. On y retrouve notre italien moustachu, arborant sa basse et son plus beau pas de danse afin d’emmener la foule avec lui. Si beaucoup critique le kitsch de la prestation et trouve qu’il en fait beaucoup avec sa basse (pas branchée d’ailleurs, bisous aux rageux), le live rétro-futuriste et l’énergie de Bruno Belissimo suffit à ambiancer notre début de soirée.

Le temps de se réhydrater et nous voilà parti pour le Hall 9 où nous attend une des révélations que nous vous annoncions en introduction de cet article : Muthoni Drummer Queen.

MDQ @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Claire Auffrert
Muthoni Drummer Queen @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Claire Auffrert

Muthoni Drummer Queen est la rencontre entre Muthoni Ndonga, rappeuse et percussionniste de Nairobi, et des deux beat-makers suisses GR! et Hook. Travaillant ensemble depuis 2013, ils viennent défendre sur scène leur album She (Yotanka Production, 2018) où chaque titre dépeint la situation de femmes africaines. Coloré par une variété de sons hip-hop, afrobass et dancehall, et contrasté par la noirceur des thèmes abordées, la musique de Muthoni et son énergie explosive s’inscrivent dans un combat contestataire.

Sur scène, on retrouve Muthoni arborant une tenue digne de Lady Gaga, accompagnée de choristes-danseuses, ainsi que des deux beats-makers et d’une batterie. Dans sa voix, on retrouve les grandes envolées de Beyoncé, variant les morceaux en anglais et en swahili, tout en haranguant la foule en français. Gros coup de cœur pour la reprise de Grandmaster Flash, Kenyan Message.

On ne pas vous mentir, après avoir écumé les halls et les genres, on avait besoin d’une bonne dose de rock pour finir la soirée. Un petit coup d’œil au programme et direction le Hall 3 pour le concert de The Surrenders.

The Surrenders @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Nicolas Joubard
The Surrenders @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Nicolas Joubard

Repéré par Jean-Louis Brossard lors de la dernière édition du festival Great Escape, le quatuor n’avait pas suffisamment de matière pour que l’on puisse se faire réelle une idée de leur potentiel, mais leur dernier single sorti en 2018 et auto-produit, nous avait mis l’eau à la bouche. Des influences diverses (Rolling Stones, Led Zeppelin, Beatles) et une pop euphorique des sixties, c’est ce qu’a choisi The Surrenders pour impulser un nouveau souffle dans le British blues. Avec Connor Brooks, leur chanteur de 21 ans, déjà comparé à Jimi Hendrix par les médias anglais, le groupe délivre une prestation digne des plus grands. Une énergie débordante, une classe bien britannique et une certaine décontraction liée à leur jeune âge, on se saurait mieux résumer le show que nous a offert le groupe.

Soir 3 – Samedi 8 Décembre @ Parc Expo

Samedi, dernier soir et le moment de jeter nos dernières forces dans la bataille. Un apéro prolongé nous fera arriver au Parc expo aux alentours de minuit, au moment de l’entrée en scène d’Arp Afrique. Entouré d’un groupe expérimenté et de deux choristes aux voix sublimes, Niels Neuborg de son vrai nom nous livre une heure trente de disco-funk teintée d’afro aux influences multiples qui nous réchauffent très vite. Peut-être l’un des meilleurs de ces trois jours de Trans.

Arp Afrique @ Rencontres Trans Musicales 2018 | Crédit photo : Nicolas Mérienne

Autre concert de notre wish-list, le rock oriental d’Al-Qasar qui restera également l’un des moments majeurs de cette édition 2018. Le mélange de sonorités arabes avec le rock psychédélique du groupe nous emmène vers des contrées vierges qui feront de ce moment une véritable expérience musicale, épousant ainsi parfaitement l’idée que l’on se fait d’un week-end aux Trans Musicales.

Après un tour par la Greenroom sans grand intérêt, direction le Hall 8 pour prendre en cours de route la prestation d’Ajate, un ensemble de dix musiciens japonais interprétant de l’afrofunk – décidément – et dont tous les instruments ont été fabriqués par le leader du groupe lui-même. Puis nous suivons d’une oreille lointaine le set de Charles Trees, une tech-house efficace mais sans grande originalité qui nous raccompagne doucement vers les confins du parc expo et les traditionnelles navettes du centre-ville rennais.

Rompus et fatigués par ces trois jours de fêtes, mais heureux et fiers de constater que ce festival quadragénaire continue de cultiver une originalité toute particulière, nous prenons déjà date pour l’année prochaine.

Jah, La Gumz et Coco