Les 3 éléphants 2018 : Un samedi électrique (Laval, 26 mai)

Éditions après édition, la programmation des 3 éléphants ne cesse de nous taper dans l’œil. Et après vous avoir présenté les cinq groupes et artistes à ne pas louper cette année, quoi de plus logique de lier les paroles aux actes et de vérifier cela par nous-même, pour la soirée du samedi du festival.

Arrivée en fin d’après-midi dans la capitale mayennaise, on traverse la ville sous un ciel menaçant en direction du site de la soirée. Pas besoin de panneaux fléchés ici : le chemin est déjà balisé par une masse de festivaliers surexcités, braillant à tue-tête les chansons des artistes du soir et qui nous escorterons jusqu’à l’entrée du festival. C’est alors que le vent se lève violemment et qu’une tempête s’abat littéralement sur nous. La sécurité nous hurle de rentrer à l’intérieur du site et de nous réfugier dans la grande salle, sans fouille ni contrôle de billet. Cloîtré dans l’Arène pendant que la pluie se déchaîne, on commence à avoir de sérieux doutes sur la suite de notre nuit mayennaise. Mais après une bonne heure de patience et d’incertitude, on nous annonce enfin le maintien des concerts tandis que les contrôles s’effectueront à la sortie de la salle. Soulagement et premières sueurs-froides, les organisateurs ont finalement bien su gérer l’incident.

Photo pompier
Les 3 éléphants, Laval © Alexis Janicot

Place aux concerts donc, avec pour commencer celui du rappeur Biffty et du DJ-producteur Weedim sur la scène du Patio. Le public, chauffé à blanc par l’attente et par les quelques bouteilles passées dans la panique et sifflées entre-temps, se déchaîne sur les paroles triviales du rappeur et de son crew. L’instru dubstep et bass-music alimente d’énormes pogos entretenus avec véhémence par les membres du Patapouf Gang. Un nom de crew WTF pour un show déjanté et punk. Ainsi, le style de Biffty et l’instru de DJ Weedim n’est pas sans rappeler Vald, et pour cause ils collaborent ensemble.

Biffty & DJ Weedim
Biffty & Dj Weedim © Yoan Hautbois

Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas le nombre de scène qui manque aux 3 éléphants. Exit donc le Patio et retour dans l’Arène pour un changement radical d’ambiance avec les américains de Clap Your Hands Say Yeah. Avec The Tourist (2017)le groupe revient à ses fondamentaux et délivre son meilleur opus depuis le premier album éponyme sorti en 2005. La voix majestueuse et nasillarde de son chanteur Alec Ounsworth retrouve ainsi une place centrale dans les compositions aériennes et groovy du groupe (l’excellent Fireproof). Mais ce soir devant le public parsemé de l’Arène, on assiste à une prestation en demi-teinte. La faute à la résonance de la salle et à une acoustique prévue pour une affluence plus conséquente. La pop-indé de Clap Your Hands Say Yeah sonne alors terriblement confuse et monotone, ne rendant justice ni à la qualité de ses arrangements ni à la profondeur de voix de son leader.

Clap Your Hands Say Yeah
Clap Your Hands Say Yeah © Philippe Renault

Sous le Patio, Roméo Elvis rentre en scène. Accompagné du producteur Le Motel, le belge délivre un rap posé et lyrique, vif et lucide, en parfait équilibre sur les instru électro-chill de son acolyte. L’artiste enchaîne les tubes avec Dessert et Je fais l’amour avec des croco, et déploie entre chaque morceau son humour désabusé devant la foule hilare. Fan inconditionnel du Liverpool FC dont il arbore le maillot sur scène, il commente le moindre fait de jeu de la finale de la Champions League qui a lieu au même moment. Quelques injures lâchées à l’encontre de Sergio Ramos, puis le bruxellois rempile avec Ma Tête, concluant son concert torse-nu tandis que son club fétiche perdra la finale 3 – 1.

Roméo Elvis
Roméo Elvis © Philippe Renault

Si Laval ne porte pas chance à Roméo, il serait faux de faire de son cas une généralité. Et tous ceux qui comme nous se sont arrêtés quelques minutes devant le concert de Cabaret Contemporain vous soutiendront le contraire. Sur la petite scène extérieure, les cinq instrumentistes en costard font sonner leur techno-acoustique devant un parterre intimiste et complètement acquis à leur cause. Difficile en effet de résister au rythme géométrique des machines et au groove surpuissant des deux contrebasses. Les arrangements minimalistes du synthé et de la guitare suffisent ensuite à nous transporter dans une transe proche des meilleurs tubes techno du label Innervisions (l’excellent La Biche). A découvrir au plus vite !

Cabaret Contemporain
Cabaret Contemporain © Maxime-Photographie

Totalement absorbé par la performance de Cabaret Contemporain, on en oubliera complètement celle de Tshegue qui a lieu au même moment sur la scène du Patio. Sans regrets pour nous puisqu’on avait déjà eu l’occasion d’apprécier la puissance scénique du groupe lors de leur passage aux Transmusicales de Rennes. D’autant plus qu’en matière d’afro-punk (ce néo-style musical au croisement du punk et de l’afrobeat), la soirée compte également la présence de 10LEC6. Nouveau protégé du label Ed Banger, le groupe défend un son électro-funk, tropical et tribal, porté par l’énergie incroyable de sa chanteuse. Avec leurs morceaux tantôt techno (What that Azz Do ?), tantôt progressif (Bedjem Mebok), 10LEC6 enflamme le dancefloor du Grand Club Géant, qui n’aura jamais aussi bien porté son nom du week-end.

Une soirée qui aura donc été marquée par de belles découvertes musicales sur la scène extérieure et par la confirmation du talent de Roméo Elvis. Entre valeurs sûres, groupes émergents et ambiance démesurément festive, on sait enfin de quoi sont faits Les 3 éléphants.

La Gumz