Interview – Le Comte

Christophe, aka Le Comte, aussi claviériste de Juveniles, a sorti son premier EP solo “Chaleur et Mouvement” en 2016. Passionné de claviers modulaires, sa musique oscille entre ambient et electronica, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

Comme nous vous l’avions promis dans le dernier article, nous vous proposons de lire la très sympathique interview de Le Comte pour la première d’Alternative Lads.


Alternative Lads : Comment tu définirais ta musique ? 

Le Comte : Je me case plus ou moins dans l’ambient, après l’ambient, j’ai plus l’impression que c’est une posture d’écoute que vraiment un style musical en soi-même, une manière de placer ta musique dans la façon dont elle va être écoutée. Finalement, être là pour accompagner des moments, remplir un peu l’espace sonore pendant que les gens peuvent continuer à faire d’autres choses. C’est pour ça que je joue souvent dans des endroits un peu particulier, un peu jolie, t’as moyen de regarder des arbres, la mer, les murs, des églises, voilà tout et n’importe quoi.

Alternative Lads : Tu t’es lancé en solo il y a plus d’un an après être passé par plusieurs groupes, il y avait l’envie d’être plus indépendant ? 

Le Comte : Non pas forcément, en fait c’est venu un peu naturellement. J’ai commencé à racheter du nouveau matos, des trucs que je n’avais jamais trop utilisé, et du coup j’ai passé pas mal de temps dessus, puis j’ai commencé à composer des trucs avant de les utiliser dans Juveniles. J’avais envie de revenir à des choses assez calmes, assez posés en fait, je viens du post-rock à la base, des trucs comme ça, du coup naturellement c’est un peu ce qui est venu et c’est JS (chanteur de Juveniles) qui m’a un peu poussé au cul pour que je finalise mes morceaux et que je les sorte. Du coup, maintenant je jongle entre les deux projets et ça c’est cool, même pour soi en fait c’est hyper cool de passer sur des types de concerts complètement différents. Juveniles, je gigote dans tous les sens, je danse, je fais le con, …

Alternative Lads : Ouais justement, c’était ma prochaine question (rires)

Le Comte : J’anticipe bien les questions, tu vois, tout découle naturellement (rires) !

Alternative Lads : Le projet Le Comte tranche avec ce que tu pouvais faire chez Juveniles ?

Le Comte : Oui et non en fait, mon rôle dans Juveniles est à peu près le même rôle que j’ai là quand je suis tout seul finalement. J’ai une installation qui n’est pas si éloigné que ça maintenant dans Juveniles. On a revu un peu la partie électronique par rapport à ce que j’avais commencé à développer, l’expérience que j’avais eue avec Le Comte à côté, c’est comme ça que j’ai commencé à vraiment bosser avec tables de mixage et tout ça,  maintenant on s’est beaucoup plus détachés de l’ordi, on a mis beaucoup plus les machines en avant donc finalement, le travail d’un projet influence l’autre mine de rien. Après musicalement c’est très différent, mais après bon ben voilà je fais de l’ambient, mais j’écoute pas que ça, j’ai joué dans des groupes de métal, des groupes de pop et donc c’est cool d’avoir la possibilité de faire des choses très différentes et ça permet de moins se lasser, de faire des concerts assis comme une feignasse en tailleur en mode un peu hippie ésotérique je sais pas quoi et puis d’un autre côté d’être sur des scènes plus grosses, du son bien fat, danser, faire le con…

Alternative Lads : Comment tu as eu l’idée de ces lives assis sur un coussin face à tes machines ?

Le Comte : C’est comme ça que je répète chez moi, c’est comme ça que je compose, c’est comme ça que je suis à l’aise en fait pour faire mes trucs. C’est vrai que j’ai très souvent tendance quand je vais être isolé, quand je vais vouloir faire de la musique, à me mettre au sol, parce que j’aime bien avoir un peu plein de merdier branché, donc c’est plus simple d’avoir tout autour de soi, tout à hauteur et gérer ça comme ça. Du coup, c’est une position que j’aime bien tout simplement. Mes premiers concerts, je jouais plus au milieu du public, en face de la sono, donc ça permettait aussi d’être un peu plus proche des gens, ça instaurait aussi le fait que le public s’assoit pour m’écouter plutôt, parce que je pense qu’un concert d’une heure de moi debout à me regarder dans les yeux, ça doit être assez chiant à la longue (rires). Donc ça donnait un côté invitation à la paresse, du coup j’ai gardé ce truc et puis finalement c’est comme ça que je me trouve bien.

Alternative Lads : On a vu aussi que tu avais une nouvelle collaboration avec My Favorite et Kongfuzi Booking, félicitations déjà,  c’est un souhait de plus te consacrer à ton projet solo ?

Le Comte : Bah écoute, on va voir comment ça se passe aussi, on va voir si les gens ont envie de me programmer ou pas, donc là pour l’instant la dynamique c’est de continuer à jongler entre les deux projets, donc ça va dépendre. Là de toute façon, j’ai pas mal de temps à consacrer à Le Comte, puis dans la compo dans Juveniles c’est quand même JS qui est beaucoup plus dedans. Donc on peut aussi bosser chacun de notre côté sur le truc, c’est plus sur le live où j’ai vraiment une grosse mainmise et plus de boulot, pour l’instant écoute ça se combine plutôt bien de jongler entre les deux. Le premier des deux qui cale une date à la date réservée et pour l’instant ça se passe plutôt bien. J’ai pas mal de concert le dimanche, finalement on arrive à combiner les deux, bon là ça fait quelques fois où on a des trucs où Juveniles joue la veille, on a joué en Suisse, je jouais le lendemain au Mans, donc à cause de moi tout le monde s’est levé à cinq heures du matin pour me déposer devant la scène juste avant mes balances, là aujourd’hui c’est un peu pareil je me suis levé à six heures pour prendre un train pour venir ici mais bon on prend l’habitude et puis voilà c’est cool.

Alternative Lads : On t’a vu au fort de Berthaume l’année dernière, à la plage de St-Malo cette année, dans un château maintenant, tu aimes les lieux un peu différent ?

Le Comte : Bah moi à la base j’aime bien, et peut-être que la deuxième vidéo que j’avais faite sur Kaitlyn à un peu poussé les gens à faire ça. Où j’étais face à la mer, coucher de soleil, et ce qui est rigolo c’est que ça vient même pas de moi, on me propose tout le temps des lieux un peu comme ça, là on m’a proposé un truc dans une église du XIIe siècle. On me propose tout le temps, soit des lieux insolites ou un peu historiques, assez beaux ou des trucs en extérieur, donc c’est assez cool. Ça permet aussi à chaque fois que chaque concert soient un peu différent en fait, c’est toujours une sorte de …  non pas une prise de risque, mais une sorte d’obligation de s’adapter à chaque fois à un milieu, un concept, un espace donc je suis plutôt ravi à ce niveau-là. Je crois qu’on m’a proposé un truc dans une usine désaffectée, c’est vrai que j’ai pas fait des trucs vraiment industriels pour l’instant j’aimerais bien aussi utiliser cette réverbération un peu froide du béton ça pourrait être cool.

Alternative Lads : Alors toi tu es rennais, peux-tu nous parler un peu de la scène rennaise ? Des choses que l’on connait, des trucs que toi tu connais à Rennes, que l’on ne connait pas forcément ?

Le Comte : En ce moment, ceux que j’adore c’est Born Idiot, à la base je suis un gros fan de Pavement, gamins des années 90, tout le côté un peu chancelant du groupe et l’écriture est cool. J’ai pas mal sympathisé avec Lucas, il est vraiment cool. Il fait partie de mes groupes un peu chouchou du moment. Evidemment, il y a Manceau avec qui on est giga potes avec Juveniles. On a souvent fait des dates ensemble, on a tourné en Asie ensemble, on s’est invité à faire nos premières parties plusieurs fois, on répète au même endroit, on a plein de potes en commun, alors c’est vrai, les Manceau c’est de très très bons copains. Et puis, j’ai participé à leurs concerts, on s’est fait des featuring, c’est vrai que la scène rennaise est assez poreuse d’un projet à l’autre. C’est assez agréable, on se connait tous très bien, on traîne dans les mêmes bars, on se bourre la gueule en même temps, limite on a les mêmes ex, Rennes est une petite ville. Plus sérieusement, la scène rennaise est cool en ce moment, même si elle est cool depuis un certain temps. Après des fois, il faut arrêter de la fantasmer, il faut laisser le temps aux groupes de faire ce qu’ils ont à faire. C’est pour moi le défaut un peu à Rennes c’est que des fois, dès qu’il y a un nouveau projet, tout le monde saute dessus, tout le monde veut les programmer, sur des scènes énormes tout de suite, et en fait je trouve qu’il y a des projets que l’on sabote un peu comme ça parce qu’on les précipite trop.

Alternative Lads : Il y a aussi des très bons projets à Rennes qui n’ont pas cette montée… ?

Le Comte : Oui oui, il y en a qui méritent de l’avoir, il y en a certains qui l’ont eu trop tôt et des fois ça a saboté vraiment des groupes, car tu mets pas un groupe qui a cinq mois d’existence et qui a fait trois concerts sur une scène énorme devant 6000 personnes ou même sur des trucs plus gros que ça. Et puis, il n’y a plus tant que ça de bars pour faire des cafés-concerts. Il en reste, pour des trucs rock ça passe, mais pour de l’électro c’est un peu compliqué. Pour moi, on manque d’un vrai petit club à l’anglaise, un petit club qui ferait autant du rock que de l’électro, un truc de 200 places, un peu crado où tu as quand même un bon gros système son, oui on manque un peu de ça.

Alors après aussi à Rennes, je suis un gros amoureux de la bande de Visions, et j’adore les soirées Consternations aussi qui pour moi fait du bien à Rennes, car on commence à voir beaucoup de soirées institutionnalisées, des choses un peu plus carrées… et avec eux on retrouve ce côté un peu squat’, un peu gradingue, mais bien fait quand même, bien organisé, avec du bon son, et des projets un peu particuliers, ils programment énormément d’électro qui pour le coup est du vrai live électronique. On en voit pas si souvent que ça…en tout cas des gens qui n’utilisent pas d’ordis ou de contrôleurs midi penché vers l’avant, et pour le coup c’est des soirées que j’aime bien faire : la bière est pas chère à deux balles, la soirée est à six euros et dure jusqu’à 8h du mat… donc je commence à finalement à préférer les « à côté » de la scène rennaise.

J’ai fais aussi une soirée à l’Elabo avec des potes, et c’était génial, dans un univers que je ne maîtrise absolument pas à la base, et finalement même musicalement j’ai passé une superbe soirée. Et même se plonger dans ce milieu-là, où tu sais que t’es dans un endroit où t’as aussi bien des gens qui ont un salaire et des gens qui sont à la rue, qui vont se retrouver à tous faire la fête ensemble, je trouve ça assez cool. D’un point de vue sociétal où toutes les castes se mélangent… j’ai bien aimé et maintenant je commence à être plus attiré par les trucs un peu plus underground et c‘est vrai que ça en manquait aussi à Rennes à un moment, il faudrait que l’on revienne à ça pour que l’on mérite à nouveau notre légende de ville rock.

Alternative Lads : Pour toi, la suite, un nouvel EP ?

Le Comte : Là je bosse sur de nouvelles compos. J’ai passé une semaine à Venise pour la Biennale, dans un studio qui a été créé par Xavier Veilhan, et j’ai fait beaucoup beaucoup de prises là-bas, je crois que j’ai 10 heures de rush à récupérer. Pas mal de tri à faire là-dedans, car j’ai fait des impros de 2h – 2h30 où on a tout enregistré, dans le but de faire un deuxième EP, il n’y a pas de date fixée maintenant officiellement, il me reste à travailler !

Alternative Lads : Du coup tu vas rester sur un format EP ?

Le Comte : Je pense que je resterais sur le même format, le premier fait 33 minutes je crois, entre 30 et 40 c’est sûr. Je trouvais que ça se prêtait bien. J’ai bien aimé ce format-là en fait. Faire quelque chose entre l’EP et l’album court. Je ne me vois pas trop pour l’instant faire un truc plus long d’une heure. Et puis après on verra, le but du projet est qu’il reste assez ouvert et que je puisse faire un peu n’importe quoi si je veux, par exemple si dans un an et demi j’ai envie de sortir un EP techno, je puisse également le faire. Donc au niveau des formats, je ne m’impose pas trop de trucs, donc la taille de l’EP sera selon le nombre de bons morceaux que j’aurais.

Alternative Lads : Et les prochains concerts ?

Le Comte : Le mois prochain, je joue à Fougères, je joue aussi au Mabilais et je joue à Bordeaux aussi dans un truc désaffecté. Ça c’est le mois prochain. Je crois que l’on a un ou deux trucs avec Juveniles aussi. Pour le coup, le mois d’après, on fait une petite tournée nordique avec Juveniles, on va en Suède, Finlande et Danemark, ça va être chouette. Et puis au milieu de tout ça, commencer le boulot avec mon nouveau tourneur, je pense qu’il y aura plus de dates début 2018. Et puis bosser sur les compos, ça sera un peu le truc primordial.

Alternative Lads : Question un peu délicate, tu te consacreras uniquement à ton projet solo s’il prend trop de temps pour continuer avec Juveniles  ?

Le Comte : Non, après si à un moment, il y a des tonnes et des tonnes de trucs, et vraiment si les deux sont incompatibles et on n’y arrive pas, oui. Après dans l’absolu, on a tous les deux envie de continuer. On en parlait avec JS, on aime bien ces groupes qui deviennent à moitié des sortes de collectifs, ces différentes identités qui finalement se regroupent pour participer aux projets des uns, aux projets des autres, même toute la bande Petit Fantôme où finalement, ils jouent tous les uns dans les groupes des autres. Et le fait que j’ai mon projet solo, on le voyait plus dans un truc comme ça et que finalement moi ça me permet d’être identifié maintenant, autrement que juste « ah c’est le mec qui tourne dans Juveniles ! » et d’être identifié moi en tant que tel, en tant que musicien. Mais ensuite, on veut continuer à ce que chacun puisse avoir des projets avec untel ou avec untel, et en fait Juveniles c’est JS accompagné de nous et on veut que ça reste par contre dans cette dynamique-là. Donc le but serait de continuer de faire tout ça ensemble. Et vu le merdier que j’ai foutu avec l’électronique dans Juveniles, ça va être compliqué de me remplacer (rires) !

Julien Gumez